Pierre à images

Pierres à images sont les termes sous lesquels l'écrivain français Roger Caillois rassemble les différentes catégories de pierres curieuses, et non précieuses, qui semblent former de véritables œuvres d'art, représentatives ou abstraites


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Minéral - Esthétique - Toscane

Pierres à images (ou pierres imagées) sont les termes sous lesquels l'écrivain français Roger Caillois rassemble les différentes catégories de pierres curieuses, et non précieuses, qui semblent former de véritables œuvres d'art, représentatives ou abstraites

Les pierres à images

Parmi les pierres à images deux espèces de marbre ont spécifiquement suscité la convoitise des collectionneurs. Elles furent de plus invoquées comme argument essentiel en faveur de la théorie des jeux de la nature (lusus naturæ) contre l'interprétation scientifique des fossiles comme pétrifications d'anciens organismes vivants. Ces marbres semblaient en effet prouver que la fantaisie naturelle, créant ici des images de paysages de villes ou de campagnes, pouvait autant produire ailleurs celles de fougères, de mollusques ou de poissons [1].

En 1777 paraît en plusieurs volumes à Nuremberg, traduit de l'allemand, le Recueil des Monuments des catastrophes que le globe terrestre a essuyées, contenant des pétrifications et d'autres pierres curieuses dessinées, gravées et enluminées selon les originaux, commencé par Georges Wolfgang Knorr, continué par Jean Ernest Emmanuel Walch. L'ouvrage qui prend résolument position contre la doctrine des fantaisies de la nature contient une description des pierres-aux-masures ou marbres-ruines. Cette espèce de pierre «représente les masures des villes, des tours, des pyramides tombées en ruine, des murailles et des maisons écroulées», écrit l'auteur, précisant que les Italiens lui donnent le nom de pietra cittadina [2].

Paésine ou pierres-aux-masures

Paésina (Toscane), L :22 cm
Marbre de Bristol

La première espèce des pierres imagées est celle des «pæsine» (mot pluriel italien) ou «pierres-aux-masures» ou «pierres-paysages», nommées toujours «marbres de Toscane» ou «marbres de Florence», provenant de gisements de la région de Florence. La paésine, variété de calcaire marneux de l'Éocène (début du Tertiaire) , a été constituée suite à la sédimentation, puis des mouvements de tectonique qui a fractionné les couches ou strates (de quelques centimètres à 2 mètres) lors de la création des Apennins, de l'apport d'oxydes (fer ou manganèse) par infiltration d'une eau riche en sels minéraux, puis à la cicatrisation des failles par la cristallisation de calcite.

Sciées et polies, les paésine évoquent des paysages ruiniformes. Les verts, bleus ou gris suggèrent le ciel et la mer, les veines brunes des maisons, des châteaux, tours, donjons et remparts, des églises et des villages en ruine ou des rivages, falaises et grottes.

Les paésine, déjà connues de Pline l'Ancien ont suscité à la Renaissance l'intérêt des amateurs de cabinets de curiosités. Les Médicis en faisaient faire par les artisans florentins des inclusions dans des marqueteries de pierres. Au XVIe et XVIIè siècle les marbres de Florence font l'objet d'un important commerce. En 1617 Philipp Hainhofer, marchand d'Augsbourg en apporte ainsi à Philippe II, duc de Poméranie, en 1632 à Gustave-Adolphe de Suède[3].

Au XVIIe et XVIIIe siècles les paésine, leurs décors fantastiques constituant les fonds, furent quelquefois peintes de petits personnages ou de scènes religieuses et mythologiques. Le peintre «admet implicitement que la nature, avec ou sans la collaboration d'un artiste, peut produire des dispositions de formes et de couleurs recevables comme œuvre d'art»[4].

Au XIXe siècle Louis II de Bavière collectionna les paésine pour son cabinet de curiosité. Au XXe siècle elles ont intéressé les surréalistes surtout André Breton, et Roger Caillois.

Les marbres-paysages

Une seconde variété des pierres à images est celle des «marbres-paysages» d'une carrière, depuis longtemps comblée, des alentours de Catham dans le Gloucestershire.

Pierres asiatiques

suiseki

En Chine ces pierres sont appelées «Gongshi» ou «guai shi» (pierres fantastiques ou étranges) ou «shang-sek», «suiseki» au Japon (sui signifiant eau et seki pierres), en Corée «useok» (pierre éternelle). Les formes ou les graphismes de ces pierres évoquent des paysages, des animaux ou des figures humaines.

Les plaques de marbre des «pierres de rêve» chinoises peuvent suggérer des ravins et des étangs, des escarpements et des berges. Elles sont quelquefois signées, portant aussi un court poème qui traduit l'impression dégagée par le paysage[5].

Les pierres à paysages du Japon (sansui kei-seki), non retouchées, présentent des formes de montagnes (yama-gata-ishi), de cascades (taki-ishi), de rivières et torrents (keiryu-seki), de collines (dan-seki), d'îles (shimagata-ishi), de plages (isogata-ishi), de côtes rocheuses (iwagata-ishi), de lacs de montagne (mizutamari-ishi), de grottes (dokutsu-ishi), de refuges (yadori) ou de tunnels (domon-ishi).

D'autres pierres (keisho-seki) suggèrent des objets, des animaux ou des formes humaines. Les objets peuvent être des ponts (hasi-ishi), des maisons (yagata-ishi) ou des barques (funagataa-ishi). Les formes animales (dobutsu-seki) sont celles de poissons (uogata-ishi) ou d'oiseaux (torigata-ishi). Se rencontrent toujours des formes d'insectes (mushigata-ishi) ou des formes humaines (sugata-ishi).

Septaria

Septaria

Les septaria sont des nodules siliceux, ronds ou de formes allongées, constellés d'infiltrations de calcite. Particulièrement variées, elles ne correspondent pas à une espèce minérale mais à une structure commune à plusieurs. On les rencontre en Espagne, au Dakota, en Allemagne, dans la Bohême du nord. Elles ne présentent jamais le même dessin et ne peuvent être classées en famille. Pour un même nodule le dessin fluctue selon l'axe de coupe[6].

Septaria

«Les dessins des septaria forment des équilibres structement plastiques (... ). Si, au temps de la peinture figurative, des amateurs ont encadré des marbres-ruines et des marbres-paysages pour en faire les pendants des tableaux authentiques, actuellement ce sont assurément les septaria qu'il leur conviendrait d'élire dans le répertoire des formes naturelles pour les mettre en regard de maintes démarches de l'art contemporain», observe Roger Caillois[7].

Jaspes et agates

Grès de l'Utah (États-Unis)

Grès de Kanab, Utah

Évoquant des paysages de dunes, les grès de l'Utah forment d'autres pierres à images, que ne mentionne pas Roger Caillois. Elles sont constituées par le vent et l'eau avec le sable, des minéraux, l'oxyde de fer.

Dendrites

Les dendrites sont des pseudo-fossiles. Les arborisations sont produites par l'eau chargée d'oxyde de fer (couleur brune) ou de manganèse (couleur noire) s'infiltrant dans les failles du calcaire. La cristallisation produit des images de branchages ou de forêts.

Notes et références

  1. Roger Caillois, L'écriture des pierres, Flammarion, 1981 p. 21 et 22.
  2. op. cit., p. 26 et 27.
  3. Roger Caillois, op. cit., p. 32
  4. Roger Caillois, op. cit., p. 42
  5. Roger Caillois, op. cit., p. 49
  6. «les dessins, même pris dans le même axe, se transforment si vite que fréquemment l'avers et le revers d'une plaque de peu d'épaisseur ou les motifs de deux tranches successives n'ont plus grand chose de commun» (Roger Caillois, op. cit., p. 56 et 58)
  7. Roger Caillois, op. cit., p. 69

Bibliographie

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